vendredi 23 août 2013

Tout fou l'camp!



La génération perdue. On me l’a répété tellement de fois que j’ai fini par y croire. Ils disent que c’était mieux avant. Mais avant c’était quand ? C’était quand ils étaient jeunes. Mais nous on est arrivé quand cette période-là s’achevait. Notre vie à nous ne leur renvoie que des reflets ternes de leur âge d’or à eux. Tu es arrivé trop tard. Apparemment tu ne connaitras ni la solidarité des campagnes ni les merveilles de l’urbanisme. Tu n’as plus de valeurs et tu ne partageras jamais de vrais moments avec tes pairs. Tu n’y es pour rien, c’est la faute au changement, aux technologies, à l’effondrement de la morale républicaine ou même à la chute d’Adam. Mais pourtant on te le reproche. Tu es un moins que rien, t’arriveras jamais à la cheville de ton grand-père, qui lui faisait le sale boulot les manches retroussées pendant que toi tu fumes de la weed en faisant des tours de scooter. Seulement voilà, Papa a bien travaillé à délocaliser le sale boulot en Zambie, du coup même si tu voulais, tu pourrais pas. Et puis de toute façon à quoi bon bouger ton cul si c’est pour faire de la merde. Tout ce que tu feras ce sera moins bien. Moins bien que quand, que quoi, je sais pas. Ce qu’on sait c’est qu’il y a plus de métiers, tout fou l’camp ! Ta grand-mère te regarde d’un air désolé alors que tu mets ton costard pour aller à ton stage à la banque, apprendre à enfler dans l’oignon des gens comme elle. Ben ouai mais aujourd’hui on choisit plus ce qu’on fait. Avec la mondialisation, la compétitivité, les restructurations, les réductions d’effectifs à Pôle Emploi, il faut pas trop rêver. T’as même plus le droit de rêver ! Le rêve c’est réservé à ton grand-père, quand il a voté le programme du CNR. A la limite pour ta mère, qui a bien eu droit à son petit Mai 68. Mais toi tout ce que tu auras c’est la crise de 2008 alors ferme ta gueule. Va rêver sur facebook et envoie moi des snapchats de ton bulletin de RSA, c’est Papa qui paye la 3G de toute façon, il te doit bien ça !

C’est des conneries. Ils ne voient rien. C’est le reflet du soleil dans l’eau de leur piscine de merde qui les aveugle. Ils n’écoutent pas non plus. Ils nous disent que c’est plus de la musique, c’est du bruit. Du coup que l’album numéro un dans le monde soit celui d’un groupe de jeunes Français ils en ont rien à foutre. De toute façon c’est pas des instruments, c’est un clavier ! A redéfinir les critères de la réussite au fil des épreuves, on gagnera jamais. Mais on s’en branle. Il y en a qui s’accrochent. Ils montent leur petit business. Ils se mettent en coopérative pour se serrer les coudes face à l’adversité. Ils font un Bac +5 pour pouvoir avoir une chance, même si à la télé on leur dit que de toute façon ils seront smicards. On leur laisse que des choix par défaut dans la rigidité étouffante d’une société qui s’enrhume dès qu’on ouvre la porte. Mais ils les prennent quand même. Ils essayent de plaire. Mais casse donc ton miroir. Il est temps de dire à Papa que tu peux être beau sans costard et qu'entre blanc bonnet et bonnet blanc toi tu choisiras la casquette trucker. S'il faut se barrer on se barrera mais là c’est fini. On rebouche la bouteille de whisky et on se met en route. On renonce à l’héritage pour aller bâtir du neuf. S’il n’y a plus d’espoir ici, on va aller en chercher. Mais faudra pas se plaindre quand on va revenir.

mercredi 27 juin 2012

Un changement « radical-socialiste ».


Un militant socialiste voit des signes annonciateurs de sa propre déception.

Socialiste, dans le cœur depuis toujours mais militant depuis peu, j’ai voté François Hollande sans conviction mais avec l’espoir d’une bonne surprise. Aujourd’hui j’ai peur que cette surprise n’advienne jamais. Le vieux parti socialiste souffre de sa lourdeur. La machine bien huilée par ses techniciens a des rouages qui ne sont faits pour tourner que dans un seul sens. Et ce ne sont pas les dinosaures qui les actionnent qui en feront varier la marche. Si tout tourne bien rond c’est un siège de velours rouge qui les attendra. Je constate aujourd’hui que le parti socialiste a entamé, bien malgré lui, une course pour le pouvoir. Maintenant que le pouvoir est acquis, il faut le garder et essayer d’en avoir plus. Suivant les leçons de Machiavel et ayant choisi la méthode du copinage, le nouveau parti majoritaire installe ses pions. Je déplore qu’il les installe non pas dans une stratégie offensive pour le changement, mais dans une stratégie défensive pour la stabilité. En 2012 le parti socialiste n’a pas choisi la gauche plurielle. Il a choisi la gauche tranquille. Ainsi le parti socialiste met en place des actions pour que le fleuve suive son cours paisiblement. Il se débarrasse des personnalités potentiellement gênantes. Il fait des alliances mais seulement si elles permettent d’obtenir des avantages sans payer aucun coût. Et bien sûr, il ne brusque personne, surtout pas les grands pontes du parti.

Pour moi l’attitude des socialistes envers les écologistes est révélatrice. D’abord on met une socialiste, au ministère de l’énergie et du développement durable. Ce premier choix de ne pas mettre une écologiste est déjà contestable mais il est guidé par une volonté de contrôle qui parait légitime pour un ministère si important. Mais quand on se rend compte que Nicole Bricq est très engagée et prête à lancer une nouvelle dynamique, c’est la peur qui s’empare des dinosaures du parti. Le changement oui, mais pas trop. Une réforme du code minier c’est apparemment trop. Ni une ni deux la machine se met en route et on remplace la militante par une socialiste débutante, défenseuse de l’environnement le dimanche. Qui plus est on choisit quelqu’un qui ne connait pas trop les dossiers pour que sa capacité à changer les choses soit plus réduite. C’est donc le duo socialiste Delphine Batho et Jean-Paul Chanteguet, qui a grillé l’écologiste Denis Baupin à la présidence de la commission de l’Assemblée Nationale au développement durable, qui est en charge de notre transition vers une économie durable et qui devra faire face à la crise énergétique. On va pouvoir encore attendre longtemps avant la mise en place d’un grand plan pour la refonte de notre économie et de notre approvisionnement énergétique ! Et après on se plaint au sein du PS que les écologistes créent des complications, s’abstiennent à l’élection du président de l’Assemblée Nationale et fassent figure d’alliés incertains. Mais à qui la faute ? Si on ne fait rien pour son allié, pourquoi l’allié ferait-il des efforts pour soi ? A cela certains répondent que compte-tenu de leurs scores les écologistes n’ont rien à réclamer et devraient déjà être contents des places que leur laisse le parti socialiste. Mais dire qu’on a le droit d’écraser le faible parce qu’on est fort ce n’est pas très démocratique. Le PS opère pour moi un abus de position dominante.

C’est de l’audace qu’il nous faut aujourd’hui pour un vrai changement. Mais au parti socialiste on écarte les audacieux et on préfère la tranquillité. Certains disent que c’est « faire des compromis » pour « rassembler ». Mais pour moi ce n’est pas un véritable centrisme pour la démocratie, c’est une simple recherche de la contrainte minimum. Ce n’est pas satisfaire le plus grand nombre, c’est satisfaire ceux qui ont la possibilité de rendre les choses compliquées à ceux qui sont déjà installés. La démocratie c’est le partage, le débat, les désaccords, les choix difficiles, les négociations. Ce n’est pas faire en sorte que les rouages tournent le plus aisément possible, car à ce moment-là on les fait tourner dans le vide. C’est faire des efforts pour arriver à achever le maximum de choses pour tendre vers un idéal politique, quitte à prendre des risques, à faire trembler les lourds édifices et à faire grincer les dents des mastodontes. A l’ère du beurre allégé et de l’aspartame je mets en garde contre un « changement » édulcoré. L’histoire du parti radical et radical-socialiste fournit au PS une mise en garde. A force d’édulcoration le parti radical dans la première moitié du siècle dernier a perdu son identité. De principal parti de gauche il est passé à parti de gouvernement de centre-gauche pour finir parti du pouvoir à tout prix, gouvernant avec la droite modérée et ayant voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en majorité. La volonté croissante de pouvoir a fait passer le parti radical et radical-socialiste de fer de lance de l’œuvre républicaine à fossoyeur de la République. Je voudrais croire que celle des socialistes ne les fera pas devenir victime du même « mouvement sinistrogyre » (3). Et attention, le jeune Front de Gauche est prêt à prendre la relève du socialisme d’opposition. Mais il serait si dommage que le socialisme reste une idée et ne puisse jamais se mettre en pratique. Je veux croire dans une politique ambitieuse à l’heure où la France a besoin de dynamisme et de réformes profondes. Je refuse d’accepter un changement dans la continuité à cause d’un parti qui veut du molletonné. Nous avons aujourd’hui une chance, nous devons la saisir.



(3)    Albert Thibaudet dans son ouvrage Les idées politiques de la France (1932) parle de « sinistrisme immanent de la vie politique française ». Selon lui les partis sont poussés inexorablement vers la droite par l’émergence de partis politiques toujours plus à gauche. Ainsi en va-t-il des radicaux, remplacés par la SFIO, puis de la transformation de la SFIO en parti réformiste et sa rupture avec la SFIC, puis de la rupture entre communistes de gouvernement et communistes révolutionnaires.

dimanche 6 mai 2012

L'illusion du "vrai" consacre le règne des experts



Le débat politique et l’exercice du pouvoir à la lumière de Michel Foucault
(Toutes les citations utilisées proviennent de
l’Ordre du Discours de Michel Foucault.)

Nous vivons dans l’illusion du vrai. Nous croyons en l’existence de la vérité et la force de cette croyance nous a fait occulter le fait que la vérité n’est qu’un « système historique ». Est vrai ce qui correspond à toutes les caractéristiques sociales du vrai, ce qui a été découvert grâce à une méthode légitime de recherche de la vérité. Nous vivons aujourd’hui dans une société où la science est maitresse. La méthode scientifique s’est donc imposée comme le seul moyen du vrai. Le seul discours légitime est le discours scientifique.

Ceci a eu une conséquence majeure en politique. La volonté de rationalité a effacé la nécessité de la confrontation des angles de vue. « Angle de vue » est même devenu une expression péjorative et toutes les opinions se cachent aujourd’hui sous des apparences de vérité. Le contenu du discours politique est maintenant contraint d’émaner de connaissances scientifiques pour être légitime. Le registre n’est plus idéologique dans le discours politique, il est celui du bon sens. La politique est devenue une science.

Mais plus que cela, la politique s’est « scientificisée » dans son contenu. La politique n’est plus considérée comme un débat d’idées, comme un affrontement de visions du monde, comme une opposition de définitions du « bien » différentes. La politique est devenue un combat pour la vérité. Aujourd’hui pour qu’une déclaration politique soit légitime il faut qu’elle s’appuie sur un  « corpus de propositions considérées comme vraies », pour reprendre l’expression de Foucault. Le discours politique ne sera accepté que s’il se fonde sur des propositions scientifiques issues d’autres disciplines. Il en va ainsi du recours croissant à la citation de paroles « d’experts », sociologues, biologistes ou économistes. La politique ne peut être légitime que si elle est une volonté de mise en application d’une théorie scientifique, que si elle s’attaque à un problème mis en évidence par les experts de la question. La politique n’est également légitime que si elle est « réaliste », c’est-à-dire en correspondance avec la description scientifique de la réalité concernée.

Il suffit ici de regarder la place énorme qu’a prise l’économie en politique. Foucault dit « les pratiques économiques, codifiées comme préceptes ou recettes, éventuellement comme morale, ont depuis le XVIe siècle cherché à se fonder, à se rationaliser et à se justifier sur une théorie des richesses et de la production ». On a fait de l’économie une science imparable, une science « sociale-dure ». La politique, traitant de la société mais devant se soumettre à la science, a donc été envahie de toute part par l’économie. On le voit bien dans la campagne présidentielle. Les débats entre les candidats sont autant de tentatives de dénoncer « l’inapplicabilité » du programme des autres voire leur caractère « d’aberration économique ». Ainsi on dénonce l’utilisation de statistiques fausses, de prévisions de croissances trop élevées, de mécanismes inflationnistes oubliés etc. Ici l’exemple du débat Hollande/Sarkozy d’entre-deux tours est presque caricatural. Pour plaire il ne faut pas avoir une philosophie de vie, il faut avoir les bons chiffres. Il faut connaitre le PIB, le taux d’épargne, le nombre de pertes d’emplois industriels etc. Et le débat se résume à des accusations de mensonge et d’affirmation de la détention du « vrai » chiffre.

Michel Foucault écrit dans l’Ordre du Discours « une proposition doit remplir de complexes et lourdes exigences pour pouvoir appartenir à l’ensemble d’une discipline ». La politique est devenue une discipline scientifique. Ceux qui font de la politique, qui peuvent légitimement parler de façon politique, sont donc une catégorie spécifique d’individus. Il n’y a qu’à voir le niveau actuel de professionnalisation de la politique. Des parcours comme Sciences-Po et l’ENA forment les scientifiques de la politique. Ces scientifiques doivent se soumettre à une méthode pour garder leur statut et prouver qu’ils font de la science. Ils doivent respecter « les gestes, les comportements, les circonstances, et tout l’ensemble de signes » qui correspondent à la définition du discours politique. Ainsi on ne fait pas n’importe quoi quand on est en campagne ou quand on est président de la République.

Prenons l’exemple de Philippe Poutou. Il est intéressant d’observer les commentaires qui sont faits dans les médias ou que l’on entend parmi nos pairs à son sujet. Ce n’est pas un scientifique de la politique et cela lui est reproché. Beaucoup peuvent accepter qu’il n’ait pas reçu la formation spécifique pour choisir la voie de la politique, nous aimons les autodidactes. Mais pour avoir autant de « valeur » que les autres à nos yeux il devrait se conformer aux codes. Et il ne le fait pas. Son registre de langage, ses dispositions corporelles, sa façon de s’habiller ne correspondent pas à ce que l’on attend du politique. Yann Barthes au Petit Journal a commenté plusieurs fois des déclarations de Poutou en disant « On ne dit pas ça quand on est candidat à la présidentielle ».

Au final la politique en se « scientificisant » est devenue le règne des experts. Et les politiques finissent par être l’application de quelques expertises et non plus une expression du vouloir collectif. L’action politique est de moins en moins dictée par les volontés collectives. Elle n’est plus tant le moyen de changer la définition de ce qui est acceptable socialement que la simple tentative d’optimiser scientifiquement la pérennité de la population. Les politiques mises en place ne se réclament pas d’un courant d’idée, elles se disent la solution la plus efficace à un problème défini scientifiquement. Les scientifiques analysent la réalité, cernent ses « disfonctionnements » et élaborent des modèles pour obtenir une réalité plus « adéquate ». Dans son discours inaugural Foucault dit «un ensemble aussi prescriptif que le système pénal a cherché ses assises ou sa justification, d’abord, bien sûr, dans une théorie du droit, puis à partir du XIXe siècle dans un savoir sociologique, psychologique, médical, psychiatrique : comme si la parole même de la loi ne pouvait plus être autorisée, dans notre société, que par un discours de vérité ».

Michel Foucault exprime en partie cette idée lorsqu’il élabore le concept de biopolitique. La biopolitique est une forme d’exercice du pouvoir fondée sur les sciences dures. Un pouvoir qui ne s’exerce non pas sur un territoire et sur un collectif, mais sur les individus directement et jusque dans leur aspect charnel. La biopolitique s’applique à optimiser la force collective en administrant les corps. Foucault explique l’évolution de la politique dans ce sens avec une analyse historique. Il observe les actions politiques entreprises au XVIIIe siècle pour limiter la propagation des épidémies, notamment la procédure de mise en quarantaine. Il observe que les gouvernements captent de plus en plus leur population, exerce un contrôle de plus en plus grand, avec un motif de surveillance et de maitrise de la santé. Il analyse ainsi les politiques d’hygiène publique mises en place au XIXe siècle. Pour finir il s’intéresse au contrôle des natalités, niveau très avancé du biopouvoir puisque le gouvernement intervient jusque dans l’acte symbolique de reproduction.

Foucault serait sûrement rempli d’effroi aujourd’hui devant l’ampleur prise par ce phénomène. Le gouvernement essaye de maitriser la consommation d’alcool et de tabac des individus. Les débats publics aujourd’hui évoquent des recherches sur un « gêne de la criminalité » et le gouvernement français a proposé de repérer de façon très précoce les enfants à potentialité turbulente pour mettre des moyens d’éducation spécifique à leur disposition et les juguler. On donne des réponses scientifiques à des problèmes scientifiques. Mais par là-même on oublie l’humain. L’homme scientifique, qui s’érige au rang divin par l’affirmation qu’il détient la vérité, écrase ses opposants et n’accepte ni la remise en question ni l’erreur. Celui qui veut interdire le scanner corporel dans les aéroports pour des motifs de dignité ou de croyances n’a pas de valeur, son discours n’est pas scientifique alors il ferait mieux de se taire. Est disqualifié celui qui maintient que les enfants turbulents n’ont pas cela dans leur gêne mais dans leur inconscient. Et celui qui dit que l’Etat mène une politique d’hypocrisie en inscrivant des slogans anti-tabac sur les paquets de cigarettes n’a pas les médecins de son côté, il peut donc gentiment retourner chez lui.


Adoptons une définition contingente de la vérité et évitons l’écueil de l’absolutisme. Acceptons que la vie ne soit qu’une succession d’erreurs et nous empêcherons l’avènement d’une technocratie froide et déshumanisée. Redonnons au débat politique son caractère idéologique et révélons les points de vue partiaux qui se masquent sous l’apparence de la vérité scientifique. Edgar Morin a appelé François Hollande à promouvoir un retour de l’humain et de la politique sur la science et ce dernier semble avoir conscience de cet enjeu (1). Je l’encourage à mettre en application cette déclaration car elle est à la base de toute évolution de notre société vers un nouveau modèle. Voilà le vrai changement.

(1) http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/05/04/le-pouvoir-pour-quoi-faire_1695946_3232.html?xtmc=edgar_morin&xtcr=2
Edgar Morin « Il faut par ailleurs reprendre un contrôle humain, éthique et politique sur la science. »
François Hollande « Le rôle du politique est de déterminer les limites et les enjeux du progrès scientifique. »

mercredi 18 avril 2012

Anders Breivik a gagné

Voilà seulement deux jours que son procès a commencé mais on peut déjà donner le verdict. Anders Breivik a obtenu gain de cause. Tout se sera déroulé selon ses plans. Il sera déclaré coupable et exclu du corps social pour les atrocités qu’il a commises. Mais son procès lui aura permis d’atteindre son objectif. Pourquoi tuer 77 personnes si ce n’est pour faire passer un message ? Anders Breivik s’est auto-proclamé messie et les médias relaient sa bonne parole en retranscrivant massivement son procès. Sa parole fait écho car on l’autorise à résonner. On trouve aujourd’hui sur internet et dans la grande presse des articles détaillés sur son idéologie, qui citent des pages de son livre et qui font même le rapprochement avec toute une mouvance européenne du même type (1). Anders Breivik a imaginé un monde en guerre. Grâce aux médias il vient d’arriver à mettre en scène les belligérants. Je regrette qu’il n’y ait pas plus d’analyses de fond mises en avant pour empêcher l’infection de la psychologie collective par le venin Breivik. Cet article a pour but d'en proposer une.

Ode à la « social-démocratie » et au « marxisme culturel »
 
Breivik et tous les extrémistes de droite en Europe et aux Etats-Unis sont des Don Quichotte. Leur combat est un combat contre le temps, contre l’histoire et contre la réalité. Cette réalité ils la refusent alors même qu’il est absurde de se positionner par rapport à elle. La nécessité de l’avancée de l’homme leur déplait. La réalité neutre du changement démographique et social leur déplait. Alors ils la connotent pour être capable de la dénoncer. Ils plaquent des grilles de lectures caricaturales à la réalité, ils la fantasment, inventent des théories du complot et anthropomorphisent les phénomènes. Ils placent des intentionnalités manichéennes derrière ce qui n’est qu’une musique sans partition ni chef d’orchestre jouée par des musiciens dispersés

L’idéologie de cette nouvelle extrême-droite « anti-djihad » est fondée sur une double erreur. La première est une vision binaire de la société. La seconde est une appréhension de l’histoire en terme de succession d’instants, comme si du statique mis bout à bout pouvait donner du dynamique. Pour Breivik il y a deux forces en présence. D’un côté il y a la civilisation européenne, de l’autre la civilisation arabo-musulmane. Dans cette logique de combat civilisationnel pour la domination culturelle, lorsque qu’une civilisation périclite c’est forcément qu’une autre la fait chuter. Breivik pensent se battre pour le maintien de la culture norvégienne et plus généralement européenne. Dans une logique qui transforme la simple corrélation entre X et Y en causalité, il pense que si l’on restaure la culture européenne dans sa version « pure », celle du moment de son apogée, l’apogée reviendra. Et si on met cette culture à l’abri de tout changement, alors la grandeur sera éternelle. C’est ici qu’on voit la vision complètement faussée de l’Histoire, faite d’instants « t » bien définis. L’Histoire avance, Breivik s’arrête. Il tente de définir la culture et donc la rend immobile. Mais il oublie que l’immobile n’est défini que par l’absence de mouvement. Dans l’Histoire il n’y a pas d’absence de mouvement, le raisonnement échoue. Jamais il n’y a eu un instant de l’apogée, l’instant n’est qu’un concept pas une réalité, il y a seulement eu des mouvements.

La réalité est peut être celle d’un déclin. Mais ce déclin n’est pas culturel. Il est économique et démographique tout au plus. Il est surtout géographiquement localisé, voilà pourquoi il fait mal. La réalité est celle du vieillissement de l’Europe. Elle est celle de l’essoufflement d’un modèle économique et d’un rayonnement local. Mais il n’y a pas d’histoire figée ni de culture définie, comme il n’y a pas d’acteurs conscients réunis en camps appelés « civilisations ». On ne peut décrire le phénomène d’avancée civilisationnelle en lui plaquant des frontières matérielles et temporelles. Une culture jamais ne sombre dans la décadence et jamais ne disparait. Tout simplement parce qu’une culture à aucun moment et aucun lieu n’existe. Elle est, elle se fait. Toujours, de tous temps, et directement ou indirectement avec tout le monde. Si certains traits s’effacent au profit d’autres c’est au contraire un signe de grandeur. Pour que l’Europe aille de l’avant, elle doit accepter de marcher. L’homme toujours avance, il s’adapte, il doit changer en permanence. L’Europe se renouvèlera en profitant du dynamisme du changement, des apports culturels, intellectuels et humains qu’elle reçoit de l’extérieur. La culture, comme l’artiste, est dans un processus de création permanente mais aussi d’inspiration permanente. Elle s’inspire de tout ce qui l’entoure, se fait au contact des autres, fusionne, élimine, transpose et modifie.

Ces extrémistes sont obsédés par la peur de la disparition. Ils parlent de la disparition d’une culture qu’ils ont idéalisées, une culture intemporelle, « pure », figée, qui renferment les « vraies » valeurs, la vérité. Cette culture disparaitra sous l’hégémonie nouvelle d’une culture conquérante. Ils veulent montrer la force de résistance de la culture menacée en partant en guerre contre le conquérant. Mais ce que leur action révèle est en fait un profond manque de confiance. Ils sous-estiment profondément la puissance de la culture comme ils saisissent mal l’ampleur de la dimension culturelle.

Cela fait plus de mille ans que l’Europe est entièrement chrétienne. Pour autant jamais vous n’irez me dire que la culture française et la culture italienne sont des purs équivalents. Quand on associe les Québécois aux Français les seconds tiquent, alors que les premiers en ont fait des efforts pour maintenir leur culture d’origine intacte. Il faut le reconnaitre, les multiples influencent et les différences de parcours ont fait diverger leurs cultures. Qui irait se plaindre en disant que la France devrait être plus Québécoise car c’est le Québec qui est le plus proche de la vraie culture française ? Ou l’inverse ? Ces exemples montrent la force de résistance et d’adaptation d’un système culturel. Quand bien même la France serait peuplée dans cent ans de 90% de musulmans, la culture française d’hier se montrera encore bien vivace.

Comme la culture nord-africaine a été réduite médiatiquement à l’Islam, nous voyons la conquête culturelle comme la recrudescence de musulmans. Les convertis à l’Islam sont surmédiatisés. Il faut ici faire tout d’abord attention à l’ampleur réelle du phénomène, souvent bien inférieure à la légende. Ensuite il faut bien voir que les musulmans de France ne peuvent pas se voir priver de leur qualificatif « de France » sous peine de perdre une partie de leur identité culturelle. Je ne parle pas ici « d’intégration », mythe notoire. Je parle « d’influence culturelle malencontreuse ». Je parle des apprentis boulangers arabes et des musulmans qui font des crédits pour acheter leur maison. Plus que cela, je parle des traits de personnalités qui s’installent et font qu’un Français musulmans réagit plus comme un Français catholique que comme un Marocain musulman. Je parle de références communes. On ne peut pas vivre dans un pays pendant 3 générations et conserver intacte la culture du pays d’origine des grands-parents. Une culture est un système dans lequel les individus sont immergés et qui les influence. La raison en est qu’une culture est la conséquence de la mise en système des individus. Quand on ajoute des individus dans le système, ils modifient la culture certes, mais ils sont également influencés par elle. Croire que le système peut renouveler entièrement sa structure sur une échelle de temps courte c’est avoir un manque de confiance chronique dans l’édifice qui nous surplombe, dans la symbiose (2) que nous formons avec les individus qui nous entourent et les individus qui nous ont précédés.

S’ils pensent se battre pour éviter que la grandeur passée ne soit foulée au pied par un vil présent, c’est bien l’inverse que les Anders Breivik d’Occident font. L’extrême-droite « anti-jihad », xénophobe et conservatrice, dans son aveuglement administre du poison à celui qu’elle veut « sauver ». La société, comme les individus qui la composent, doit accepter le changement pour pouvoir grandir. C’est en figeant la culture et la société que l’extrême-droite l’entrainera vers son déclin. C’est en voulant empêcher le processus civilisationnel d’advenir qu’elle détruira la civilisation.

Anders Breivik a gagné. Maintenant à nous de faire en sorte que jamais la « social-démocratie » et le « marxisme culturelle » ne soient vaincus.



(2)    Définition Larousse : « Association constante, obligatoire et spécifique entre deux organismes ne pouvant vivre l'un sans l'autre, chacun d'eux tirant un bénéfice de cette association. »

samedi 31 mars 2012

"Musulmans d'apparence"


Donner des critères physiques pour définir l’appartenance cultuelle d’une personne. Voilà ce que Nicolas Sarkozy, le président français d’origine hongroise (1) a fait le Lundi 26 mars sur France Info (1). Pas la peine d’en faire toute une polémique vous diront certains, « tout le monde le fait ». Cet argument n’est pas recevable, mais hélas il est fondé. Cette confusion permanente entre la spiritualité et le sang, entre la religion et la race remplie nos programmes d’Histoire. Ainsi pour l’Algérie française les manuels nous disent qu’il y avait d’une part les Européens et de l’autre les musulmans. La confusion remplit aussi nos discussions quotidiennes : « il est d’origine musulmane », « il est d’origine hindou », « je suis né musulman » etc. Il faut pourtant la refuser car elle mène droit au pire. Les confusions nous précipitent dans le gouffre de « l’essentialisme » (2). Le discours qui fait du musulman un être défini objectivement par des caractéristiques physiques cherche à réduire l’individu à une seule facette d’une identité imposée. On veut lui donner une essence, le qualifier dans une « pureté » ultime comme on le fait pour les éléments chimiques

Il y a là un double mouvement. Tout d’abord on cherche à ôter à la personne toutes ses spécificités et la multiplicité de ses appartenances pour la ranger dans une case précise. Ce mouvement peut aller très loin puisqu’on peut aller jusqu’à enlever à la personne son caractère d’être humain, pour vraiment limiter son appartenance à son groupe religieux. Ensuite on refuse la qualité d’individu libre à la personne en lui imposant une étiquette objective, c’est-à-dire qui va chercher ses fondements à l’extérieur de la personne. Dès lors elle n’est plus maîtresse de qui elle est, elle est condamnée à être ce qu’il est dit qu’elle est aux yeux de ceux qui reconnaissent comme légitime celui qui a « dit ».

C’est ici où l’on peut voir que le discours de M. Sarkozy est très grave. M. Sarkozy est, compte-tenu de la fonction qu’il occupe, le détenteur de la parole légitime. Il a été reconnu par la nation comme possédant l’autorité. Il a donc ici créé une définition légitime du « musulman ». Il n’appartient plus aux musulmans de se définir, le président leur a volé leur individualité. On n’est plus ici dans la stigmatisation, mais dans le niveau supérieur, la classification. Le côté encore plus pervers de la chose est que pour dégager une classification objective on a utilisé la subjectivité. En effet cette classification n’a pas été faite à partir d’éléments objectifs observables, de critères physiques précis. Non, elle a été faite à partir de la généralisation d’un exemple particulier. Cet exemple est le stéréotype du musulman arabe, à l’image de Mohamed Mehra. Ainsi le Pakistanais qui prie cinq fois par jour est trop foncé pour être musulman. Une Malaisienne voilée ne peut pas être musulmane puisqu’elle a les yeux bridées. A l’inverse le caporal Abel Chenouf ne pouvait pas être catholique puisqu’il était arabe. Nicolas Sarkozy vient d’asservir la spiritualité aux critères physiques.

La dernière fois que cela a été fait en France ce fut sous le régime de Vichy. Celui qui avait trois grands-parents juifs avait été défini comme étant juif. Et on l’avait essentialisé, on lui avait retiré tous ses attributs de personne et son humanité pour n’en faire plus qu’une marchandise qu’on confiait à la SNCF pour qu’elle l’envoie à l’Est. L’idéologie nazie avait aussi utilisé des critères physiques pour définir le juif.

En reprenant les termes de Philippe Corcuff, j’appelle à arrêter cette quête de substances à mettre derrière les substantifs. J’appelle également tous ceux qui trouvent intolérable la vague d’islamophobie et de haine généralisée à l’égard des arabes à demander une excuse publique du Président de la République qui vient de ternir l’image de la France en la faisant régresser jusqu’à des moments sombres de son histoire.


(1)    Je salue ici l’initiative des médias algériens qui ont voulu rendre justice en utilisant la formule rhétorique préférée de M. Sarkozy pour le qualifier lui-même
(3)    Voire les travaux de Philippe Corcuff et la définition qu’il en a donné dans la conférence « B.a.-ba philosophique de la politique à l'usage de ceux qui ne sont ni énarques, ni patrons, ni journalistes » du 29 mars 2011 à l’IEP de Lyon

vendredi 30 mars 2012

Faire partie du décor


On ne les voit jamais. Ils sont les grands absents de l’espace public. On ne sait qui ils sont que par discours interposés, eux ne parlent pas. De toute façon au fond, personne ne leur porte vraiment d’intérêt. Quand ils ne sont pas instrumentalisés, on essaye de les oublier. Pourtant ils sont là, toujours et encore. Ils sont là, et plus nombreux que jamais : les chômeurs.

Entre 1984 et 2010 le taux de chômage n’est tombé que trois années en dessous de la barre des 8%. Sur ces vingt-huit années le taux de chômage moyen a été de 9%. Ce seuil est devenu une norme. On s’en est accommodé. Quand je dis « on » il faut entendre « ceux que ça ne concerne pas », la France du travail protégé, des étudiants et des rentiers. C’est aussi ça l’histoire de la démocratie, le doux désintérêt pour les problèmes des minorités qui se fait violent dans le majoritarisme.

Quand le chômage est trop visible, on prie pour ne pas être concernés et on déverse notre peur du déclassement et notre malaise social sur des boucs émissaires. Le reste du temps on essaye de se convaincre que tout cela n’est pas réel, on fait des pirouettes et on contourne le problème.
-Le chômage continue d’augmenter ? Oui mais la situation s’améliore puisqu’il y a « une baisse tendancielle de l'augmentation du nombre de chômeurs" (8) nous dit notre président !
- Entre 2008 et 2010 la France a perdu 337000 emplois industriels tous secteurs confondus ? Oui, mais c’est le pays qui a le mieux résister à la crise et « qui, depuis 2007, a connu chaque année une augmentation du pouvoir d'achat des Français »  renchérit  N. Sarkozy sans gêne (2).
-Le chômage est un problème structurel ? Ça c’est parce que le système social Français est trop généreux et que les Français sont devenu des paresseux vivants de l’assistanat !
1 818 000 allocataires du RSA (1)(6), une sacré tripotée de feignants ! Il est évident que toutes ces personnes se contentent amplement de ces chèques mensuels bien gras de 474€ et n’ont aucune envie d’augmenter leur revenu par le travail !
 
Est-ce une réponse valable à donner aux 9.3% de chômeurs Français (4), à ces 9.8% de femmes et ces 21.6% de jeunes inscrits en catégorie A à Pôle Emploi ? Et à ces 1.5 millions de personnes en situation de sous-emploi (3)(5), qui voudraient travailler plus mais qui sont obligées d’accepter un temps partiel ? Peut-on toujours maintenir que si ils le voulaient, ils pourraient tous trouver du travail quand ils sont 4 537 800 à être inscrits à Pôle Emploi en catégorie A, B et C ? Même si on évite de leur dire directement, on leur fait comprendre en leur retirant du soutien et en limitant le nombre de conseillers jusqu’à ce qu’il n’y en ai plus qu’un pour une voire deux centaines de chômeurs. Et on arrive à une situation où le Conseil Economique et Social note dans un de ses rapports sur Pôle Emploi « une réelle souffrance au travail, un malaise lié à la difficulté de remplir [leurs] missions de service public et une perte de sens du travail ».

Mais qu’ils ne viennent pas dire que rien n’est fait pour eux ! Les réformes s’enchainent.
-D’abord l’auto-entreprenariat, symbole de la libération du joug bureaucratique pour ceux qui veulent se lancer à leur compte. Les chômeurs ont essayé d’exploiter cette nouvelle opportunité pour rejoindre la société des travailleurs: un million d’auto-entreprises ont été créées depuis 2009. Cela doit sûrement être quand même de leur faute si  40% restent sans activité et les 60% restantes ne font qu’un chiffre d’affaire moyen de moins de 1000 euros par mois (1)(3).
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Ensuite ce fut la réforme des retraites. Puisqu’on vieillit, il faut travailler plus longtemps ! La réforme fut présentée avec « un discours tout empreint de la simplicité et de la transparence du bon sens » (7). Hélas le raisonnement « toute chose égale par ailleurs » a encore une fois montré ses limites. Pour travailler plus il faut d’abord travailler. Et les statistiques nous montrent que les seniors sont de plus en plus victimes du chômage et qu’on a beau reculer l’âge de la retraite, ils partent toujours aussi tôt et peinent toujours autant à trouver du travail. En février les plus de 50 ans au chômage étaient 1,3 % de plus qu'en janvier et sur un an ils étaient 14,6 % de plus en catégorie A, B et C (8).
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Et maintenant voici la nouvelle solution miracle de la majorité, annoncée par son candidat à l’élection présidentielle : « Passé un délai de quelques mois, toute personne au chômage sans perspective sérieuse de reprise d’emploi devra choisir une formation qualifiante. A l’issue de cette formation, qui sera obligatoire, le chômeur sera tenu d’accepter la première offre d’emploi correspondant au métier pour lequel il aura été nouvellement formé. » Avec 1 757 900 chômeurs de plus de un an en catégorie A, B et C ça va faire un sacré paquet de formations à payer ! Sans compter que ce nombre ne cesse d’augmenter : 0,8 % en un mois entre janvier et février 2012.


Les chômeurs sont bien là, ils ont un goût amer dans la bouche et perdent foi dans le contrat social de la République. Arrêtons les réformes idéologiques et les tentatives d’esquive du problème et commençons à vraiment s’atteler à la question de l’emploi en France. A ce titre on peut noter les 7 propositions pour l’emploi du club Convictions. Ce think-tank propose d’arrêter de focaliser le débat de l’emploi sur le niveau du SMIC, de mettre fin aux incitations aux CDD, de former les chômeurs sur la durée ainsi que d’autres mesures plus techniques mais tout aussi intéressantes. La limite du rapport est l’échec de sortie du carcan de prénotions qui pollue le débat sur l’emploi. Nous n’arrivons pas à produire un discours vraiment critique sur le problème du chômage car nous restons pris au piège de la grille de sens dominante et des « di-visions » (7) préétablies. Il faut aller plonger dans l’histoire, dans les modèles économiques passés, pour se rendre compte à nouveau d’une chose : le chômage est un choix de société. Une fois cet élément réintroduit, nous arriverons à produire un modèle pour demain. Ou alors nous resterons dans la situation actuelle, mais nous pourrons arrêter d’en traiter de façon hypocrite !


(1)    Alternatives Economiques, mars 2012
(3)    Chiffres publiés par l’INSEE en février 2012 
(4)    troisième trimestre 2011
(5)    chiffre de 2010
(6)    métropole au 30 septembre 2011
(7)    Pierre Bourdieu; Ce que parler veut dire (chapitre 4); Fayard 1982